A 70 ans révolus et après plus de 56 années de métier, le pâtissier-chocolatier de Masevaux Christian Blind a décidé de faire valoir ses droits à la retraite. Il passera le flambeau officiellement à Eric Ordronneau le 22 novembre, un vendéen établi à Ribeauvillé (voir plus loin)qui hérite d’un commerce florissant. Retour sur un parcours exceptionnel
- A deux heures du matin, à quatorze ans
Avant dernier d’une famille de sept enfants, Christian Blind est un belfortain bon teint. Dès son plus jeune âge, il est fasciné par la pâtisserie et à douze ans déjà, il donne un coup de main dans le laboratoire d’un artisan. C’est décidé, il sera pâtissier et à quatorze ans, il entre en apprentissage chez Gullerot. Traverser Belfort à deux heures du matin ne l’effrayera pas : « je voulais être là dès le début de la journée de travail pour apprendre le maximum de choses ». Il restera chez ce patron jusqu’à en 1958 où il est appelé sous les drapeaux. Comme les jeunes de son âge, il est mobilisé en Algérie. D’abord dans l’artillerie puis dans le train. Pendant les 28 mois de service militaire, il n’a de cesse de s’inquiéter : « serai-je encore capable de préparer les recettes » ? Il est tranquillisé à son retour en 1961. Il n’a pas perdu la main et fera étalage de son savoir faire à Seloncourt où il remplace le patron victime d’un accident.
En 1964, Christian Blind se marie avec Michèle, elle aussi belfortaine et fille de commerçant. Deux enfants naîtront de cette union, Sophie et Cathy. En 1964, Christian Blind a rejoint la pâtisserie Muller à Belfort. Cet établissement est une victime indirecte d’une décision de la municipalité de changer le plan de circulation. En un mois, elle perd 40% de son chiffre d’affaires. Avec le boulanger, Christian Blind prend le taureau par les cornes et propose d’aller au devant des établissements scolaires et de vendre des petits pains à la récréation. De 80 les premiers jours, ce sont plus de 500 petits pains qui seront proposés chaque jour dans trois écoles de Belfort. La pâtisserie est sauvée. Au décès du patron, Christian Blind n’adhère pas à la méthode proposée par le repreneur. Il s’en va poursuivre son métier chez Monnier où « il s’éclate comme jamais. On faisait vraiment de belles choses ».
- Une première recette de 420 Francs
En 1973, c’est un peu par hasard et grâce à un banquier qu’il apprend que le pâtissier Brunner cherche à vendre sur Masevaux. Il était propriétaire d’une pâtisserie sur la place des Alliés et gérait celle de la rue du Maréchal Foch pendant l’absence du propriétaire, M Garnier, hospitalisé. Finalement, grâce au soutien du propriétaire, Christian Blind ouvrira son commerce le 11 septembre 1973. Michèle Blind s’en souvient comme si c’était hier « nous avions retardé l’ouverture d’une semaine, le temps de me remettre de l’accouchement de ma seconde fille, Cathy.-NDLR : elle est née huit jours avant- Pour notre premier jour, un mercredi, la caisse était de 420 francs ». Le nouveau pâtissier masopolitain l’avoue aujourd’hui : «j’étais sceptique au début. Les alsaciens allaient-ils adhérer à cette autre pâtisserie que je proposais, la patronne allait-elle s’adapter ? » Finalement, après un an d’ouverture, il faut reconnaître que la mayonnaise a pris. Le 31 octobre 1974, il embauche une vendeuse, Colette Schmitt.
- Un magasin de fleurs avant la rue piétonne
Au début des années 80, il se lance un nouveau défi. Réhabiliter la vieille bâtisse appartenant à Emile Jung et la transformer en un magasin de fleurs à côté de la pâtisserie. L’idée lui est venue d’un ancien fleuriste belfortain qui lui disait « votre pâtisserie me ramène des clients. Pâtisserie et fleurs sont complémentaires ». En 1985, la ville de Masevaux décidera de transformer la rue du Maréchal Foch en artère piétonne. C’est tout bénéfice pour les commerces de Christian Blind. Il deviendra alors l’animateur de cette rue et proposera plusieurs fêtes de rues avec l’école maternelle notamment. Longtemps d’ailleurs, il co-organisera avec la directrice Monique Lerch la venue du St Nicolas à l’école.
- Président malgré lui
Dès son arrivée à Masevaux, Christian Blind est démarché par Roger Lévy, Raymond Fessler et Henri Ketterlin, les responsables de l’association des commerçants. « Nous avons besoin de jeunes, me disaient-ils ! C’est le même langage que je tiens aujourd’hui ». Pendant des années, Christian restera dans l’ombre mais pas inactif bien au contraire. Mais, à la fin des années 80, les présidents se succédaient. Au décès de Roger Lévy en 1984, c’est Dominique Fessler qui prendra la succession. Puis viendra Jean Schmitt et enfin Michel Emberger. Mais en 1993, le poste de président était à nouveau vacant et Christian Blind se laissa convaincre par Colette Heydet. Sous son impulsion, l’association va connaître un nouveau dynamisme : le salon du mariage, les Griffes de la mode, les braderies, les ventes de Noël, la fête de la citrouille, les cadeaux de la fête des Mères, les premières montées cyclistes du Ballon d’Alsace sont autant d’opérations impulsées à l’initiative de l’association. En dehors de la cité, l’avis du président Blind compte auprès des chambres consulaires et des élus. D’ailleurs son laboratoire a même été baptisé « Radio Mille-feuilles ». Dès l’aube, amis, élus, responsables associatifs, presse, s’y succèdent et viennent partager un bon moment autour d’un café. On y fait, on y défait, on y commente la petite et la grande histoire de la vie masopolitaine.
A 70 ans, Christian Blind tourne une grande et belle page de son livre. Le secret de sa longévité réside sans doute dans son amour pour le métier : « j’ai tous les jours autant de plaisir à me lever à deux heures du matin qu’à 14 ans ». Aujourd’hui, Christian Blind va encore aider son successeur pendant deux mois puis cet hyper actif ne restera pas les bras croisés. Il sera sans doute toujours là pour aider l’association des commerçants ou pour donner un coup de main à ces nombreux amis. Généreux, fidèle en amitié, Christian Blind le sera jusqu’au bout ! Bonne retraite Christian !
MH